Bourdon sur une fleur d’Asclepias tuberosa

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Un jardin ornemental, c’est comme une oasis de calme, de méditation. On s’y rend pour oublier les contraintes du quotidien, mais même dans cet espace clos et protégé on est vite rattrapé par des bouleversements planétaires : le retour des grandes épidémies (Covid), le réchauffement climatique, la probable raréfaction de l’eau, et la prochaine grande crise qui s’annonce : l’effondrement de la biodiversité.

Car de nombreuses espèces animales ou végétales sont entrées dans la spirale du déclin (baisse des effectifs, réduction des aires de répartition), qui mène à l’effondrement, puis, à terme, à l’extinction. Tout montre que la biodiversité – l’ensemble des êtres vivants et des écosystèmes dans lesquels ils vivent – est gravement menacée.

Parmi de multiples causes, on peut citer l’explosion de la population humaine, la déforestation, l’assèchement des zones humides, l’artificialisation des sols, les pratiques agricoles intensives, l’agrochimie (pesticides), la pollution, le recul des prairies, haies et vergers, l’arrivée de microbes ou de parasites, …

Le cas des insectes

Une étude anglaise a montré que le nombre d’insectes s’écrasant sur le pare-brise d’une voiture a chuté de 60% entre 2004 et 2021. Une étude allemande a établi que la biomasse d’insectes a baissé de 76 % en 27 ans. Concrètement, dans les champs où des pièges récoltaient 10 kg d’insectes, ils n’en récoltent plus que 2,4 kg aujourd’hui. On va dans le mur, et vite. Pour les deux études, voir Références.

Nous détruisons méthodiquement nos insectes. Leur déclin va conduire à une cascade d’effets. Il menace la pollinisation des plantes, qui forment la charpente de la vie sur Terre. Et, sans insectes, plus d’hirondelles, qui les attrapent au vol ! Le slogan « Sauvons les abeilles » doit être pris au sens large : « Sauvons la biodiversité ».

Pour beaucoup d’acteurs de terrain – comme les apiculteurs – les pesticides, en particulier les néonicotinoïdes, ont une responsabilité écrasante dans l’effondrement des abeilles. Mais les industriels de l’agrochimie, avec la collaboration de certains scientifiques, utilisent la stratégie des marchands de doute : entretenir des controverses, créer la confusion. Leur but est d’obtenir l’inaction des pouvoirs publics, et manifestement, ils y parviennent ! Plusieurs livres dévoilent leurs méthodes, voir Références.

Que de défis à relever à notre époque ! Il est urgent d’agir.

Des pollinisateurs dans son jardin fleuri

Il existe près de 17 millions de jardins en France, soit une surface d’un million d’hectares, presque quatre fois celle des réserves naturelles françaises, une chance à saisir !

Un jardin fleuri bien conçu peut rapidement accueillir une petite faune, en particulier des insectes pollinisateurs , à condition d’y mettre des plantes attractives, avec des floraisons étalée de février à octobre, et des sites de nidification ou d’hivernage.

Un jardin isolé a peu d’effet, mais un maillage de jardins du même quartier, engagés dans la même démarche, est bien plus efficace. Cela ne résoudra pas le déclin mondial mais peut l’atténuer. Et, entre voisins, on peut échanger des graines, des jeunes plants, partager et apprendre, s’entraider.

Le bon choix des fleurs est essentiel, car, à l’instar de l’agriculture, l’horticulture est devenue une industrie et la plupart des fleurs très modifiées, mises en avant dans les catalogues, sont inaptes à soutenir les pollinisateurs.

Les jardins de ville ont leur rôle à jouer : des insectes subsistent en milieu urbain, profitant de son micro-climat (plus chaud, plus abrité) et de l’absence de pesticides. Souvent, ils sont plus nombreux dans les villes que dans les zones rurales de mono-culture !

La crise de l’eau

Avec le réchauffement climatique, il est possible que des périodes de sécheresse alternent avec des épisodes de fortes précipitations ou d’inondations. L’eau deviendrait au fil des ans une denrée rare en été, assortie de mesures de rationnement et d’interdiction d’arrosage.

Le jardinier subit la soif de ses plantes fleuries, grandes buveuses : il faut les arroser en été, sinon elles grillent et le jardin devient une savane. D’où l’intérêt de les remplacer par d’autres capables de garder un bel aspect et de fleurir avec des apports d’eau faibles ou nuls.

Les plantes natives des rives de la Méditerranée ou de la Mer Noire sont nos premières alliées. Si on ajoute celles venant d’autres zones arides (Californie, Mexique, Chili, Asie Centrale, …), on obtient des plantes sobres en eau, attractives aux butineurs, ayant échappé en grande partie aux manipulations horticoles.

Elles amènent de nouveaux feuillages, souvent aromatiques, pubescents, persistants, de nouvelles harmonies de couleurs.

Ces plantes chameaux détestent les sols lourds et mal drainés. Pour bien les accueillir, il faut faire en sorte que l’eau de pluie circule vite et bien : exploiter les talus, créer des différences de niveau, drainer les zones humides, amender le sol.

Le plaisir du jardinier

L’arrivée des pollinisateurs anime le jardin. Ils forment un monde riche et foisonnant : abeilles, ‘mouches’, papillons, coléoptères, … On reconnaît vite quelques espèces emblématiques, le bourdon des jardins, les xylocopes, les osmies, les anthophores, les sphinx colibris, …

Les soutenir, c’est bon pour la chaîne du vivant, pour les productions agricoles, mais aussi pour le jardinier qui assiste à leur ballet : le vrombissement d’un bourdon, le vol chaloupé d’un papillon égaient une journée… Quel plaisir de voir, à la sortie de l’hiver, une abeille sauvage prendre son premier envol pour butiner les bruyères sous un timide soleil !

En leur compagnie, on oublie le stress quotidien, on se reconnecte au  vivant, à son étonnante diversité, à sa grande dépendance de la météo. Et c’est un formidable outil pour initier les enfants. En invitant la petite faune ailée, le jardin prend une autre dimension. On peut y vivre une aventure sans en sortir !

Certes, l’abeille à miel femelle peut piquer si on la provoque. En pratique, le risque est nul, tant elle est occupée à collecter pollen et nectar.

Ce livre

Il rappelle quelques notions de base sur les principaux butineurs, la fleur, la pollinisation, la création horticole, l’organisation du jardin. Il traite de quelques plantes à installer en priorité. Ce n’est pas un guide de plantes « mellifères », ni un traité de jardinage, plutôt une approche transversale pour des résultats rapides. Ensuite ce sera votre tour d’explorer, de découvrir les fleurs qui profitent aux butineurs, lesquels précisément (quelles abeilles, quels papillons, …) et à quelle période, dans le cadre précis de votre jardin.