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Un jardin ornemental, c’est un havre de calme, de méditation. On s’y rend pour oublier les contraintes du quotidien, mais même dans cet espace clos et protégé on est vite rattrapé par des bouleversements planétaires : le réchauffement climatique, la probable raréfaction de l’eau, la crise de la pollinisation et le prochain péril qui s’annonce : l’effondrement de la biodiversité.
De nombreuses espèces animales sont entrées dans la spirale du déclin (baisse des effectifs et des aires de répartition), qui mène à l’effondrement, puis, à terme, à l’extinction. Tout montre que la biodiversité est gravement menacée.
Parmi de multiples causes, on peut citer la déforestation, l’assèchement des zones humides, le recul des prairies, haies et vergers, l’artificialisation des sols, les pratiques agricoles intensives, les espèces exotiques envahissantes, les pesticides, la pollution, l’arrivée de microbes ou de parasites, …
Que de défis à relever à notre époque ! Il est urgent d’agir.
Le cas des insectes
La raréfaction des fleurs sauvages, sources de pollen et de nectar indispensables aux abeilles et papillons, les fragilise. Nos insecticides les détruisent méthodiquement. Ces pollinisateurs, partenaires des fleurs depuis des millions d’années, risquent d’être balayés par les humains en quelques décennies.
Leur déclin va entraîner une cascade d’effets. Il menace la pollinisation d’une grande partie des plantes, sauvages ou agricoles, qui forment la charpente de la vie sur Terre. Le manque d’insectes va affamer les oiseaux insectivores, par exemple les hirondelles, qui les gobent en vol ! Le slogan « Sauvons les abeilles » doit être pris au sens large : « Sauvons la biodiversité ».
Législation européenne
Par le passé, beaucoup d’acteurs de terrain ont dénoncé la responsabilité des néo – nicotinoïdes, des insecticides puissants dérivés de la nicotine, qui enrobaient systématiquement les semences agricoles, même quand aucune infestation n’est signalée. Heureusement, ils ont été interdits en 2018 par l’Union européenne et la France, avec des dérogations (aujourd’hui abandonnées) en 2021 et 2022. Cependant l’usage d’autres pesticides reste massif.
En juillet 2024 est paru le Règlement Européen sur la Restauration de la Nature, qui vise à :
- préserver la biodiversité,
- protéger les écosystèmes existants : terres agricoles, forêts et prairies, zones humides, rivières, lacs, zones côtières et fonds marins, …
- réparer les dégradations de certaines zones en mauvais état.
Ce règlement fixe pour la première fois des objectifs contraignants aux états, comme celui de restaurer au moins 30 % de certains habitats dégradés d’ici à 2030.
Des jardiniers passent à l’action
Il existe près de 17 millions de jardins en France, soit une surface d’un million d’hectares, presque quatre fois celle des réserves naturelles, une chance à saisir pour compenser le manque de fleurs sauvages et donner un coup de pouce aux pollinisateurs.
Mais on voit trop de jardins sans abeilles ni papillons : de vastes pelouses, des massifs de fleurs exotiques ou horticoles, rien pour les soutenir. Une bonne partie des fleurs mises en avant dans les catalogues sont dénaturées et inaptes. Comme l’agriculture, l’horticulture est une industrie sourde aux enjeux environnementaux.
À l’inverse, un jardin bien conçu, avec des fleurs bien choisies, des floraisons étalées de février à octobre, la présence de sites de nidification, permet aux butineurs de se nourrir et de se reproduire.
Un réseau de jardins du même quartier, engagés dans la même démarche, est plus efficace qu’une initiative isolée. Entre voisins, on peut échanger des graines ou jeunes plants, partager, apprendre, s’entraider, faire des bourses aux plantes, monter des actions auprès des pouvoirs publics, se faire entendre. Cela ne résoudra pas le déclin mondial mais peut l’atténuer.
Parmi les influenceurs en jardinage, très présents sur les réseaux sociaux, peu d’entre eux se sont adaptés à ce nouveau défi. La plupart, par inertie, rabâchent comme au 20iè siècle.
Les jardins de ville ont un rôle particulier à jouer : des insectes y subsistent, profitant de son micro-climat (plus chaud, plus abrité) et de l’absence de pesticides. Souvent, ils sont plus nombreux en ville que dans une zone rurale de mono-culture !
La crise de l’eau
Avec le réchauffement climatique, il est possible que des périodes de sécheresse alternent avec des épisodes de fortes précipitations ou d’inondations. L’eau deviendrait au fil des ans une denrée rare en été, assortie de mesures de rationnement et d’interdiction d’arrosage.
En été, le jardinier subit la soif de ses plantes grandes buveuses : il faut les arroser, sinon elles grillent et le jardin devient une savane. D’où l’intérêt de les remplacer par d’autres capables de garder un bel aspect et de survivre avec des apports d’eau faibles ou nuls.
Les plantes natives des rives de la Méditerranée sont nos premières alliées. Si on ajoute celles venant d’autres zones arides (Californie, Mexique, Chili, Asie Centrale, …), on obtient des plantes sobres en eau, attractives aux butineurs, ayant échappé en grande partie aux manipulations horticoles.
Elles amènent de nouveaux feuillages, souvent aromatiques, pubescents, persistants, de nouvelles harmonies de couleurs.
Ces plantes chameaux détestent les sols lourds et mal drainés. Pour bien les accueillir, il faut faire en sorte que l’eau de pluie circule vite et bien : exploiter les talus, créer des différences de niveau, drainer ou amender un sol lourd.
Le plaisir du jardinier
L’arrivée des pollinisateurs anime le jardin. Ils forment un monde riche et foisonnant : abeilles, ‘mouches’, papillons, … On reconnaît vite quelques espèces emblématiques : le bourdon roux, le xylocope violet, l’osmie cornue, l’anthophore à pattes plumeuses, le sphinx colibri, le syrphe ceinturé, …
Les soutenir, c’est bon pour la chaîne du vivant, pour certaines productions agricoles, mais aussi pour le jardinier qui assiste à leur ballet : le vrombissement d’un bourdon, le vol chaloupé d’un papillon égaient une journée… Quel plaisir de voir, à la sortie de l’hiver, une abeille solitaire prendre son premier envol pour butiner les bruyères sous un timide soleil !
En leur compagnie, on oublie le stress quotidien, on se reconnecte au vivant, à son étonnante diversité, à sa grande dépendance de la météo. Et c’est un formidable outil pour initier les enfants. En accueillant la petite faune ailée, le jardin prend une autre dimension. On peut y vivre une aventure sans en sortir !
Ce livre
Il rappelle quelques notions de base sur les principaux butineurs, la fleur, la pollinisation, la création horticole, l’organisation du jardin. Il traite des principales plantes à installer en priorité, pour des résultats rapides.
Ensuite ce sera votre tour d’explorer, de découvrir les fleurs qui profitent à vos butineurs, lesquels précisément (quelles abeilles, quels papillons, …) et à quelle période, dans le cadre précis de votre jardin.