Chardons décoratifs

Bourdon sur échinops

On appelle chardons de nombreuses espèces herbacées, (bis) annuelles ou vivaces, présentant des épines au niveau des feuilles ou des tiges, et des inflorescences – les capitules – regroupant une multitude de fleurs minuscules, les fleurons.

Les feuilles, coriaces, aux marges épineuses – une protection contre les herbivores ou la sécheresse – sont plus ou moins dissuasives selon l’espèce. Les cultivars sont souvent moins épineux que le type. Ces épines leur valent d’être des mal-aimés, et souvent détruits comme ‘mauvaises herbes’ difficiles à éradiquer dans les cultures ou les jardins.

Pourtant, ils assurent à une large gamme d’insectes butineurs (abeilles, syrphes et papillons) une des plus fortes productions de pollen et nectar qu’on puisse trouver parmi nos fleurs indigènes. De plus, ils sont des plantes hôtes de plusieurs espèces de papillons, comme la Belle-Dame ou Vanesse des chardons, Vanessa cardui, qui ne pond ses œufs que sur des chardons. Leur rôle écologique est majeur.

Les chardons sont des plantes pionnières, parmi les premières à s’implanter en zone inculte, terrain vague, friche. Ce sont des espèces robustes, peu exigeantes, très rustiques. Quelques unes ont un grand intérêt décoratif et méritent de figurer dans un jardin ornemental. Leurs bouquets secs ont une longue tenue.

La plupart des chardons des jardins appartiennent à la famille des Astéracées : il s’agit des cirses (genre Cirsium), des cardons ou artichauts (genre Cynara), des échinops (genre Echinops), plus d’autres genres moins connus. Les centaurées ne sont pas des chardons car sans épines, sauf la centaurée chausse-trape Centaurea calcitrapa.

Mais il existe aussi des chardons décoratifs dans la famille des Apiacées (les panicauts, genre Eryngium), ou dans la famille des Caprifoliacées (les cardères, genre Dipsacus).

1) Famille des Astéracées

Les cirses

Ils sont proches des centaurées. D’une touffe de longues feuilles basales profondément découpées en lobes étroits et peu épineux, se dressent des tiges rigides, souvent ailées, peu feuillues, coiffées de grappes de capitules. Chaque capitule présente une touffe lâche de fleurons rose violacé .

Autant certains cirses sauvages, comme le cirse des champs Cirsium arvense, sont redoutés par les agriculteurs, autant ceux des jardins, C. rivulare et C. japonicum, sont accommodants. Ils s’associent bien aux graminées dans une scène naturaliste. Il est conseillé de diviser tous les 3 ans la souche pour la régénérer.

Cirsium rivulare, cirse des ruisseaux (Europe). Vivace des rives et prairies humides, haute de 1,2 m, qui se propage lentement par des rhizomes, à planter dans un sol frais. Feuilles peu épineuses. Floraison de juin à août, capitules de 3 cm de diamètre. Plusieurs cultivars.

Cirsium japonicum, cirse du Japon. Vivace haute de 1 m qui préfère les sols légers, bien drainés. Gros capitules roses de 4 à 5 cm de diamètre, de juillet à septembre. Plusieurs cultivars sans épines.

Les cardons et artichauts (genre Cynara)

Les cardons et artichauts sont deux légumes correspondant à deux sous – espèces cultivées du cardon sauvage. Si on ne les consomme pas, ce sont des vivaces spectaculaires, d’une hauteur et diamètre de 1,5 m, qui portent en été d’énormes capitules rose violacé très décoratifs et amis des butineurs. En région chaude, on peut les planter au potager pour ombrager des cultures basses.

Le cardon est vendu sous le nom Cynara cardunculus. Ses côtes ou cardes comestibles sont les pétioles de ses grandes feuilles. L’artichaut est vendu sous le nom Cynara scolymus. Le fond d’artichaut est le réceptacle qui porte les fleurons, et les « feuilles » charnues sont les bractées de l’involucre.

Les échinops (oursins, boules azurées)

Il existe environ 120 espèces d’échinops ((genre Echinops) présentes en Eurasie ou Afrique.

Leur superbe inflorescence estivale, sphérique, de 4 à 5 cm de diamètre, très différente des précédentes, n’est pas un capitule, mais une collection de petits capitules, chacun ayant un seul fleuron entouré de bractées.

La corolle à 5 lobes du fleuron est bleue, sauf chez E. sphaerocephalus où elle est blanche. Les étamines sont jointives au niveau de leurs anthères pour former un manchon violacé autour du style. Les corolles des fleurons ont leurs lobes étalés en une étoile à 5 branches.

Les échinops des jardins sont des vivaces qui, à l’état sauvage, poussent en plein soleil sur des pelouses sèches, rocailleuses et incultes du sud de l’Europe. Ils résistent à la chaleur et à la sécheresse. Éviter le sur-arrosage ! Ils apprécient un sol léger, bien drainé, sans engrais.

Echinops sphaerocephalus

Echinops ritro, boule azurée, présent à l’état sauvage dans le sud de la France. Une particularité : la blancheur de ses tiges pubescentes qui se conjugue joliment avec le bleu des capitules. Hauteur 0,8 m.

E. bannaticus, échinops du Banat, une ancienne région de Roumanie. Hauteur 1,2 m.

E. sphaerocephalus, présent à l’état sauvage dans le sud de la France. Hauteur de 1 à 2 m pour les grands sujets.

En graines

On trouve la plupart des références ci-dessus, plus le Chardon aux ânes Onopordum acanthium, et le Chardon-Marie, Silybum marianum, bisannuels.

2) Famille des Apiacées, les panicauts (genre Eryngium)

Bourdons sur Eryngium alpinum

Les panicauts ou panicauts des jardins sont en général méditerranéens, mais certains viennent d’Amérique du Sud. Dans la flore française, on en compte une dizaine, indigènes ou naturalisés, comme les éryngiums alpinum, amethystinum, bourgatii et maritimum. On les classe parmi les chardons, à cause de leurs feuilles épineuses et de leurs capitules.

Ce sont des Apiacées, anciennement Ombellifères, au même titre que la carotte sauvage, l’aneth, l’angélique, le fenouil … La plupart de ces espèces ont une inflorescence typique, l’ombelle. Mais chez les panicauts, les ombelles se sont condensées sous la forme de capitules compacts qui rassemblent des dizaines de fleurons. Chaque fleuron est constitué d’un calice, d’une corolle à 5 pétales libres, blancs ou bleus, corolle qui abrite 5 étamines saillantes et un ovaire prolongé par le style. La floraison est longue, estivale.

Comment reconnaître les panicauts méditerranéens des autres chardons ? Par la superbe collerette (ou involucre) de grandes bractées épineuses, parfois bleu acier, qui souligne leurs capitules (images 3 et 4).

Panicauts méditerranéens

Ces espèces sont présentes en Méditerranée, mais certaines débordent largement vers l’Asie Centrale ou le nord de l’Europe. Elles font moins d’un mètre de haut, sauf le panicaut géant. Le feuillage est en général caduc. Les feuilles sont très diverses : vert franc, gris-vert ou vert bleuté, coriaces ou membraneuses, simples (non découpées) ou profondément divisées en haut des tiges. Elles présentent des épines sur les bords, d’où leur surnom anglais sea – holly, houx de mer.

Le panicaut méditerranéen a une forte et longue racine pivotante, qui lui permet de trouver de l’humidité en profondeur et de bien résister à la sécheresse. Une fois établi, il ne faut plus le transplanter, sous peine de casser la racine. D’où la nécessité de lui trouver une bonne place du 1er coup !

C’est une plante vivace (sauf E. giganteum, bisannuel), de rocaille ou de dune, très rustique, robuste, peu exigeante, avec de faibles besoins en eau. Comme sa floraison est estivale, on peut la soutenir par quelques arrosages occasionnels, sans excès. Le planter en plein soleil, dans un sol pauvre, mais bien drainé, sableux ou graveleux, même calcaire, et assez profond pour que sa racine pivotante puisse s’y développer. Le bon drainage est essentiel, sinon elle risque de pourrir.

On peut supprimer les capitules en graines pour prolonger la floraison, mais il vaut mieux les réserver aux oiseaux pour l’hiver.

Quelques espèces

Eryngium alpinum, panicaut des Alpes où il pousse entre 1000 et 2500 m d’altitude, une plante magnifique, mise en danger par la cueillette commerciale et la destruction de l’habitat, strictement protégée. Hauteur 70 cm. Rosette de feuilles ovales cordées, dentelées, vert franc, luisantes, feuilles supérieures vert bleuté, découpées, épineuses, capitules et involucres bleus.

E. amethystinum, panicaut améthyste (Italie, des Apennins à la Sicile, et Balkans). Un panicaut à feuilles gris – vert très découpées et épineuses, capitules et involucres bleus, haut de 50 cm.

E. bourgatii, panicaut des Pyrénées, plus Espagne et Maroc. Un autre panicaut à feuilles gris – vert très découpées et épineuses, capitules et involucres bleus, haut de 40 cm.

E. giganteum, panicaut géant (Turquie, Caucase). Bisannuel, il fleurit la 2iè année. Hauteur 1,2 m et plus. Son feuillage ressemble à celui d’E. alpinum : une rosette de feuilles ovales cordées, dentelées, vert franc, luisantes. feuilles supérieures gris – vert, découpées, épineuses. Gros capitules massifs gris – vert, involucres argentés. Se ressème bien au jardin, garder quelques plantules pour éviter de le perdre, puisqu’il est bisannuel.

E. maritimum, panicaut maritime (littoral atlantique de l’Afrique du Nord à la Norvège, rives de la Méditerranée). Hauteur 40 cm. Il aide la stabilisation des dunes par sa racine épaisse et très longue. De plus, il se propage par ses rhizomes. À la fin de l’été, la partie aérienne se dessèche et devient cassante, elle peut se détacher et rouler sur le sable en dispersant les graines.

Le panicaut maritime a des feuilles et bractées vert-bleuté à bordures et nervures blanches, coriaces, découpées, épineuses. Les capitules sont bleus. À cultiver dans un sol léger et sableux.

E. planum, panicaut à feuilles planes (Eurasie). Hauteur 1 m. Rosette de grandes feuilles ovales, dentelées, vert franc, luisantes. En haut des tiges, elles sont vert – bleuté, découpées, épineuses. Capitules et involucres bleus. Éviter ‘Blue Hobbit’, un hybride nain d’E. planum pour les jardinières.

E. variifolium (Afrique du Nord, chaîne de l’Atlas). Hauteur 40 cm. Feuilles luisantes, ovales cordées, dentées, vert franc marbrées de fortes nervures blanches. Capitules bleus entourés de fines bractées argentées.

Hybrides à capitules et involucres d’un bleu soutenu

Eryngium x zabelii, un groupe d’hybrides vigoureux issus d’un croisement entre les beaux panicauts bleus E. alpinum et E. bourgatii. Cultivars : ‘Big Blue’, ‘Violetta’, ‘Jos Eijking’, ‘Pen Blue’, hauts de 70 cm environ.

Eryngium x oliverianum, un bel hybride sauvage de parents inconnus, dont un pourrait être E. alpinum.

Eryngium x ‘Lapis Blue’, un bel hybride dont un parent est E. bourgatii.

Panicauts américains

Ils sont sud-américains (Brésil, Argentine), sauf E. yuccifolium (USA), et globalement moins rustiques que les méditerranéens. Comparés à eux, ils se reconnaissent par leur feuillage très différent, leurs feuilles étant vert franc, longues et étroites, à bords parallèles, comme des lanières. De plus, les bractées de l’involucre sont absentes ou réduites. Les capitules sont verts ou bruns. Bref, ils n’ont pas les qualités décoratives de leurs cousins.

Il s’agit d’Eryngium agavifolium, E. ebracteatum var. poterioides, E. horridum, E. serra et E. yuccifolium.

Eryngium × tripartitum est un hybride stérile de deux espèces inconnues, dont une d’Amérique du Sud.

3) Famille des Caprifoliacées, les cardères (genre Dipsacus)

Cardère sauvage Dipsacus fullonum

Les cardères sont apparentées aux scabieuses, dans la famille des Caprifoliacées. Deux cardères bisannuelles, dont la hauteur dépasse 1,5 m, sont vendues en graines :

La cardère sauvage Dipsacus fullonum = Dipsacus sylvestris, aussi appelée cabaret des oiseaux, car ils viennent y boire l’eau de pluie retenue le long des tiges, dans les petites cuvettes formées par deux feuilles opposées et soudées à leurs bases.

La cardère à foulon Dipsacus sativus, cultivée en Europe au 19iè siècle près des centres lainiers, où les capitules servaient à carder (démêler) la laine, avant l’invention des peignes en métal.

Ces cardères, de vrais chardons au port élancé, architectural, s’intègrent bien dans un jardin naturaliste privilégiant les plantes sauvages indigènes, pour mieux soutenir les butineurs.

Les cardères ont une particularité, qui permet de les distinguer d’autres chardons : les premiers fleurons à éclore sont ceux situés à mi-hauteur du capitule. Ensuite, deux anneaux de floraison se déplacent, un vers le sommet, l’autre vers la base (voir image ci-dessus).