Famille des Apidés, genre Bombus et Apis
Les abeilles sociales sont celles qui vivent dans des colonies structurées, avec une reine fertile qui pond, des ouvrière stériles qui butinent et assurent des tâches domestiques, et les mâles reproducteurs. En voici deux exemples de la famille des Apidés, le bourdon et l’abeille à miel, qu’on voit voler une grande partie de l’année par renouvellement des générations.
Contrairement à une abeille sollitaire qui récolte les grains de pollen à sec et en éparpille un peu partout, prêts à polliniser, l’ouvrière du bourdon ou de l’abeille à miel « emballent » le pollen : les grains sont humectés avec du nectar et de la salive pour en faire des pelotes jaunes, bien visibles sur les corbeilles des pattes postérieures. Dans une pelote, le pollen est bien tenu, donc il ne pollinise pas. et servira à l’alimentation des larves. Les seuls grains de pollen qui pollinisent effectivement sont ceux qui échappent à l’emballage et restent dispersés sur les poils.
1) Le bourdon
Le cycle de vie
Le bourdon est une grande abeille sauvage (mais sociale), trapue, velue, pacifique. Contrairement à l’abeille à miel, ses colonies sont petites et annuelles. À la fin de l’hiver, une jeune reine, déjà fécondée l’automne précédent, une des rares survivantes de sa colonie, quitte son abri pour butiner les floraisons précoces. Ensuite, elle choisit attentivement un lieu pour le futur nid, une cavité du sol déjà existante (un terrier par exemple), un tas de branches, ….
Elle y pond des œufs dans des cellules de cire, avec une réserve de pollen et de nectar, et les couve pour les garder au chaud. Après quelques jours, les œufs éclosent, donnent des larves qui se transformeront en nymphes (métamorphose) puis en ouvrières volantes stériles. Après l’envol des ouvrières, la reine ne sort plus, elle ne fait que pondre, et ce sont les ouvrières qui entretiennent le nid et partent butiner pour nourrir la reine et les nouvelles larves.
La reine est la plus grande. Par exemple, chez Bombus terrestris, elle mesure environ 22 mm, les ouvrières 11 à 17 mm, les mâles 15 mm.
Quand la colonie atteint une dimension suffisante, elle entre dans sa phase sexuée : la reine pond des œufs qui donnent des mâles ou des femelles fertiles, qui quittent le nid et s’accouplent. Les femelles fécondées sont les futures reines du printemps suivant. Ce sont les seules qui hibernent, le reste de la colonie meurt avec le froid. On les reverra voler en février-mars, affamées par le jeûne hivernal, à la recherche de fleurs.
La colonie disparaît avec l’automne, donc il est insensé de vouloir déplacer un nid. De plus, une ouvrière peut piquer pour le défendre.
Un excellent pollinisateur
Très actif, le bourdon est un lève-tôt, couche-tard, le premier arrivé au jardin le matin, le dernier à le quitter le soir, s’endormant parfois dans les fleurs, ivre de fatigue. Par temps frais, il peut voler à partir de 5°, grâce à sa forte pilosité. Il peut se réchauffer en faisant frissonner les muscles du vol, sans faire bouger les ailes.
Certaines fleurs se sont adaptées pour favoriser cet excellent pollinisateur et exclure les autres. C’est le cas des mufliers, phlomis ou acanthes : leurs corolles bilabiées sont ‘fermées’, la lèvre supérieure appuyant sur l’inférieure. Écarter les deux lèvres exige du poids et de la force. Les bourdons et xylocopes en sont capables, mais la plupart des autres abeilles non.
Pollinisation vibratile
Le bourdon est capable de ‘secouer’ une fleur en faisant vibrer ses ailes, ce qui lui permet de libérer le pollen quand il est fermement retenu.
Explication : cetaines fleurs (comme celles des pied de tomate, des bruyères, des myrtilliers) ont des étamines à anthères poricides, qui ne se déchirent pas à maturité, et ne libèrent les grains de pollen que difficilement, par un trou minuscule, le pore, une protection contre l’appétit des abeilles.
Mais le bourdon (entre autres) est capable d’extraire le pollen : suspendu à la fleur, il fait vibrer ses ailes grâce à ses puissants muscles du vol, dans un bruit strident. Les anthères soumises à ces vibrations à haute fréquence libèrent alors un ‘nuage’ de pollen qui se pose sur ses poils. C’est la pollinisation vibratile ou sonication ou buzz-pollination en anglais. D’autres abeilles solitaires comme les anthophores en sont aussi capables, mais pas l’abeille à miel.
Quelques espèces de bourdons
Le bourdon terrestre Bombus terrestris (image 1) est le plus connu et le plus grand : il a deux rayures oranges sur fond noir, une au thorax (1er segment), l’autre à l’abdomen (2iè segment), et une « queue » couleur chamois chez la reine, blanche chez les ouvrières et les mâles. Malgré sa grande taille, sa langue a une longueur moyenne, environ 6 mm.
Le bourdon des jardins Bombus hortorum (voir images 2 et en haut de page) ressemble à B. terrestris, mais on peut les distinguer : B. hortorum a 3 rayures oranges, deux au thorax (1er et 3iè segments) plus une très proche à l’abdomen (1er segment), voir 2iè image ci-dessus. De plus la reine a une queue blanche. Par sa très longue langue (12 mm et plus une fois dépliée) c’est un pollinisateur exceptionnel.
Le bourdon roux, Bombus pascuorum, est roux orangé sur le thorax, gris ou roux rayé de noir sur l’abdomen. L’un des rares qui n’a pas de bande blanche, jaune ou noire. C’est un petit bourdon agile, à assez longue langue, 8 mm.
Signalons encore le bourdon des pierres B. lapidarius, celui des prés B. pratorum et celui des saussaies B. lucorum.
Les bourdons qui, comme Bombus terrestris , ne sont pas dotés d’une très longue langue, volent le nectar des corolles profondes.
2) L’abeille à miel
L’abeille à miel européenne appartient à l’espèce Apis mellifera. On la reconnait par son thorax velu couleur chamois et par l’abdomen brun-jaune rayé de noir.
C’est un insecte social qui vit dans une colonie pérenne, très structurée, dont l’organisation dépasse le cadre de cet ouvrage.
La reine est la seule femelle féconde et sa fonction est de pondre. Les mâles ou faux-bourdons ont pour fonction de féconder la reine. Les ouvrières, des femelles stériles, accomplissent diverses tâches dans la ruche, butinent et produisent miel, gelée royale, cire et propolis.
Les plus expérimentées peuvent indiquer aux autres la direction et la distance de fleurs à butiner par un système de communication appelé la danse des abeilles.
L’ouvrière a une langue de longueur moyenne, autour de 6 mm : c’est une généraliste, comme le montre l’examen du pollen ramené à la ruche.
Elle est totalement inoffensive quand elle butine au jardin, tant elle est appliquée et indifférente au reste. Mais, si on la provoque, elle pique avec son dard. C’est sans conséquence grave sauf en cas d’allergie. Il faut éduquer les enfants à l’observer sans la toucher. Le mâle ou faux bourdon ne possède pas de dard.
Longueur de l’abeille à miel : environ 20 mm pour la reine, 12 mm pour les ouvrières et 16 mm pour les mâles appelés faux-bourdons.
En Europe, Apis mellifera est la seule espèce domestiquée pour son miel. Hors d’Europe, il en existe d’autres, comme la paisible abeille sans dard Melipona beecheii, élevée au Mexique depuis des siècles par le peuple Maya.
3) La multiplication des ruches
Des idées simplistes et contre-productives circulent pour « sauver les abeilles et la pollinisation », comme d’installer des ruches dans son jardin. Cela revient à croire qu’il n’existe qu’une seule espèce, Apis mellifera, et que celle-ci pollinise toutes les fleurs, en toute saison.
L’abeille à miel est un animal d’élevage, sélectionné de puis des millénaires pour obtenir des variétés qui produisent plus et piquent moins. Originaire de pays chauds (Proche-Orient ou Afrique), elle est frileuse, ne sortant guère quand il fait moins de 10°. Même si elle subit les maux de notre époque, elle n’est absolument pas menacée : les apiculteurs veillent sur elle.
Généraliste, elle est capable de butiner des centaines de fleurs différentes, mais elle est en échec sur les corolles profondes spécialisées. Elle n’est pas capable de pollinisation vibratile, et n’a pas la force d’ouvrir des corolles fermées.
Il existe environ 950 espèces d’abeilles sauvages en France, souvent meilleures pollinisatrices, car plus rustiques, actives par temps frais, adaptées à toutes sortes de corolles et diverse niches écologiques. Bref, l’abeille à miel ne peut en aucune façon remplacer des centaines d’espèces, très diverses et souvent spécialisées.
Une ruche au jardin, c’ est typiquement la fausse bonne idée, car des milliers d’abeilles à miel capteraient toutes les ressources en nectar et pollen aux alentours, au détriment des sauvages, meilleures pollinisatrices, non soutenues par les humains, nos vraies abeilles indigènes.