Introduction aux abeilles

Colletes marginatus, de la famille des Colletidés

Les insectes butineurs

Les insectes qui visitent les fleurs sont principalement les abeilles, papillons, diptères (« mouches ») et coléoptères.

Ils suscitent souvent de la méfiance ou du rejet. Leur petite taille, leur absence d’expression faciale rendent impossible toute communication. Leur organisation sociale et leurs cycles biologiques sont parfois complexes, et pour identifier les espèces, il faut sortir une grosse loupe pour chercher des détails anatomiques si subtils qu’ils échappent aux non-spécialistes !

Pourtant, il suffit de de prendre conscience de leur vulnérabilité et de leur grande importance dans le cycle de la vie pour changer notre regard. En les observant quelques minutes de temps en temps, on entre progressivement dans leur univers , si étonnant, si déroutant. On apprend vite à reconnaître quelques espèces emblématiques. Finalement, on y prend du plaisir, et on a le sentiment d’une nouvelle expérience enrichissante. Et le risque de piqûre est quasi-nul.

Les abeilles, un groupe très diversifié

L’abeille est un insecte. Ladulte a trois paires de pattes et deux paires d’ailes.

Dans sa vie, une abeille est successivement œuf, larve, nymphe, adulte ailé.

Environ 970 espèces d’abeilles vivent en France, parmi lesquelles une seule est domestique, produit du miel et loge dans une ruche : l’abeille à miel (Espèce Apis mellifera).

Pour le grand public, une abeille produit du miel et loge dans une ruche : Il considère uniquement Apis mellifera. Ici on parlera d’abeille au sens large, une espèce parmi les 970.

Les abeilles sont les plus importants pollinisateurs d’Europe. On peut les classer en 6 familles selon leur apparence et leur parenté : les Andrénidés, Apidés, Colletidés, Halictidés, Megachilidés et Melittidés. Ces familles appartiennent toutes à un vaste ensemble, l’ordre des Hyménoptères.

Par exemple, l’abeille à miel et les bourdons appartiennent aux Apidés. Les bourdons sont bien des abeilles !

On peut classer les abeilles selon leur mode de vie : sociale ou solitaire ; domestique ou sauvage.

Celles qui vivent en colonie structurée en 3 castes (la reine, les ouvrières et les mâles) sont dites sociales. Par exemple, l’abeille à miel et les bourdons sont des abeilles sociales, dans la famille des Apidés.

Les autres abeilles sont dites solitaires. Chaque femelle solitaire construit son propre nid, récolte sa propre nourriture et nourrit seule ses larves. Exemple : les Andrénidés, Colletidés, Halictidés, Megachilidés et Melittidés sont des familles d’abeilles solitaires, bien que certaines espèces y aient un petit degré de socialisation.

Celles qui dépendent des humains sont dites domestiques, et les autres, sauvages.

Exemples. L’abeille à miel (espèce Apis mellifera) est la seule espèce sociale et domestique. Le bourdon est social et sauvage (les deux ne sont pas incompatibles !) : il vit en colonie et ne dépend pas des humains. Colletes marginatus (photo en haut de page) est solitaire et sauvage.

Les abeilles femelles sont des mères attentives. Une solitaire ou une ouvrière collecte du pollen (riche en protéines) et du nectar (riche en glucides), pour elle-même mais aussi pour les larves, d’où une intense activité. Au contraire, les papillons, « mouches » et coléoptères délaissent leurs larves qui se nourrissent seules !

Pour le transport, l’abeille stocke le nectar dans son jabot (une poche placée entre l’œsophage et le gésier) et le pollen sur des brosses externes situées sous son abdomen ou sur les pattes arrières (corbeille à pollen). Les papillons ne collectent pas le pollen, et n’ont pas de brosses à pollen.

La ‘langue’

La ‘langue’ de l’abeille ou proboscis est un organe complexe formé de plusieurs pièces. Elle peut malaxer, sucer, lécher. Sa longueur, une fois dépliée, est très variable.

Schématiquement, on distingue les langues courtes, 2 à 4 mm chez les Andrenidés, Colletidés, Halictidés ou Melittidés, et les langues longues, 5 mm ou plus, chez les familles des Apidés ou Megachilidés.

Quelques exemples, parmi les langues longues : abeille à miel 5 mm, xylocope 7 mm, bourdon 7 à 14 mm suivant l’espèce, anthophore à pattes plumeuses 13 mm. Ce ne sont que des valeurs moyennes, certains individus vont au-delà.

Un point essentiel : supposons qu’une fleur présente un tube étroit au fond duquel le nectar est secrété. Si la longueur du tube est comprise entre 5 et 15 mm, seules les abeilles à longue langue peuvent l’atteindre avec le bout de leur langue. S’il mesure plus de 15 mm de long, quasiment aucune abeille ne peut et dans ce cas, il est réservé aux papillons ou aux colibris.

Les abeilles à courte langue ne peuvent butiner que les fleurs ouvertes, sans profondeur. Elles les trouvent par exemple chez les Astéracées (marguerites, pissenlit), les Rosacées (arbres fruitiers, églantier, aubépine) ou les Apiacées (angélique, carotte sauvage). Celles à longue langue délaissent royalement ces fleurs aux récompenses facilement accessibles, qui attirent la cohue des butineurs à courte langue.

Ainsi, la longueur de la langue conditionne directement la gamme de fleurs qu’une abeille peut butiner. C’est schématique car d’autres facteurs interviennent aussi, comme les dimensions de l’abeille.

Abeille généraliste ou spécialiste

Une abeille ne butine pas toutes les fleurs qu’elle rencontre ! Suivant son espèce, elle a des préférences. On distingue deux cas :

Abeille généraliste : la gamme de fleurs est large, dans plusieurs familles végétales. Ces abeilles ont souvent une longue période de vol dans l’année. Exemples : les bourdons et l’abeille à miel sont généralistes, pouvant butiner des centaines d’espèces différentes.

Abeille spécialiste : la gamme de fleurs est étroite, limitée à une famille (exemple : les Campanulacées), ou à un seul genre dans cette famille (exemple : les campanules), ou même à une seule espèce de ce genre.

Généralement, les abeilles spécialistes sont des solitaires qui nichent dans le sol, appartenant aux familles des Andrenidés, Halictidés ou Melittidés. Leur période de vol est courte, quelques semaines, calée sur la floraison de leurs plantes préférées. Elles devinent spontanément les gestes pour les butiner, et leurs pièces buccales sont bien adaptées. C’est le cas par exemple, de la collète du lierre, une spécialiste du lierre, voir Abeilles solitaires.

Une abeille spécialiste est vulnérable : son destin est lié à celui de ses plantes préférées. Si elles disparaissent, elle risque de subir le même sort, et inversement.

Comment une fleur attire les abeilles ?

Prenons l’exemple de Chelostoma rapunculi, une abeille spécialiste des campanules. Une étude (Milet-Pinheiro 2015, voir Références) a montré qu’elle est fortement attirée, de façon innée, par la couleur bleue et par la senteur des fleurs de campanules.

L’indice couleur lui évite de perdre du temps sur des corolles blanches, jaunes, … , et de se diriger directement vers les bleues. Mais les campanules ne sont pas les seules fleurs bleues. L’indice senteur est fait d’un assemblage de plusieurs dizaines de composants volatiles, dont certains sont caractéristiques de la famille (les Campanulacées), du genre (Campanula) ou de l’espèce, et indiquent la qualité du pollen et du nectar, eux aussi odorants.

Ainsi une jeune Chelostoma rapunculi qui s’envole pour la 1ère fois, n’ayant jamais vu une fleur de sa courte vie, ne gaspille pas son énergie à butiner toutes les fleurs qu’elle croise. Sans passer par un apprentissage, elle repère instantanément celles qui lui conviennent. Son butinage efficace est l’assurance d’une nouvelle génération à venir.

Conclusion. En modifiant les indices floraux, couleur et senteur, d’une fleur, la sélection horticole prend le risque de perturber le jeu subtil qui la relie à ses butineurs.

Vision des couleurs décalée

L’abeille ne voit pas le monde avec les mêmes couleurs que nous : sa vision est décalée. L’abeille voit le jaune, le bleu, l’ultra-violet, mais pas le rouge. Nous voyons le jaune, le bleu, le rouge mais pas l’ultra-violet.

Conséquence : en général, les fleurs à abeilles ne sont pas  rouges, sinon elles ne les verraient pas. Mais il y a des exceptions : par exemple, la fleur rouge du coquelicot attire les abeilles, car elle réfléchit aussi de l’ultra-violet, qu’elles détectent.

Déclin des abeilles

Selon la Liste rouge des abeilles sauvages européennes, publiée en 2014 par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), environ une espèce sur dix est menacée d’extinction et une sur vingt est menacée de l’être dans un proche avenir, principalement à cause des pratiques agricoles intensives et des pesticides.