Le réchauffement climatique et la crise de l’eau remettent en cause le modèle traditionnel du jardin ornemental, invitant à une nouvelle approche : le jardin sobre en eau ou jardin méditerranéen. On parle parfois de ‘jardin sec’, ce qui est un peu excessif car il y a des circonstances où il faut arroser, comme lors d’une sécheresse prolongée.
Plantes chameaux
Une pelouse, trop gourmande en eau, n’y a pas sa place.
Les plantes chameaux viennent des zones arides de la planète : rives de la Méditerranée et de la Mer Noire, Asie Centrale, Californie et états voisins, Mexique, Chili … La plupart ont échappé aux modes horticoles et ont gardé un look sauvage et authentique. Si on privilégie les feuillages persistants, le jardin reste beau en hiver et fournit un abri 12 mois sur 12 à la petite faune.
Ces plantes supportent une chaleur torride et un ensoleillement intense avec des apports d’eau nuls ou occasionnels, grâce à diverses adaptations, comme un enracinement profond, un stockage de l’eau dans les tissus (plantes succulentes), des feuilles adaptées : petites, épaisses, coriaces, vernissées ou tomenteuses (couvertes de poils fins qui isolent la feuille et réfléchissent les rayons du soleil). Le ciste ladanifère a ses feuilles enduites d’une résine collante, le ladanum, qui limite les pertes d’eau par évapotranspiration. Les plantes aromatiques secrètent des huiles essentielles qui forment une brume protectrice autour d’elles.
Les plantes sobres en eau fleurissent pour la plupart au printemps, pour profiter avant la canicule des réserves d’eau dans le sol. Dès juillet, les floraisons sont rares, les plantes se mettent en pause et c’est la variété des feuillages (forme, texture, couleur) et des ports (tapissant, en boule, érigé, …) qui assure l’aspect décoratif.
Certaines plantes ont l’audace de fleurir en été sur sol sec, parfois jusqu’aux gelées. En voici quelques exemples : les galatellas (voir Asters), barbes bleues (Caryopteris), cératostigmas et plumbagos, délospermas, Coreopsis verticillata, Nepeta subsessilis, hélénies, panicauts (Eryngium), Origanum laevigatum et syriacum, pérovskias, scabieuses, Satureja montana, Teucrium marum, verveines, … Il faut les arroser occasionnellement pour garantir une belle floraison et la sécrétion de nectar.
Un sol bien drainé
Les plantes chameaux ne supportent pas l’humidité stagnante. Un sol bien drainé est indispensable.: il est minéral, pauvre, à base de sables, graviers et limon, avec peu d’humus.
Dans le milieu naturel, on remarque que les plantes chameaux poussent souvent sur des sols pentus, car l’eau y est vite évacuée par ruissellement de surface. Si le jardin présente du relief, exploiter les talus qui facilitent le drainage.
Pour créer un relief sur terrain plat, creuser des allées, former des buttes, surélever des massifs à l’aide de voliges en bois ou de roches. Sous les allées, placer éventuellement des tuyaux de drainage, utiles en hiver. On peut amender une terre lourde en lui ajoutant un volume presque égal de sable grossier (éviter surtout un sable fin).
La contrepartie d’un sol bien drainé est qu’il se dessèche vite, donc il est impératif de le pailler en surface pour le protéger du soleil. Il existe deux types de paillage, minéral (pour un jardin sur gravier) ou végétal.
Le paillage végétal a pour avantage de se décomposer et d’enrichir lentement le sol en matière organique, ce qui facilite le développement des racines et active la microfaune du sol. On peut recycler les tailles du jardin en un compost qui sera la base du paillis.
Mise en place d’un jeune plant
En général, il est préférable de planter à l’automne, ce qui permet au jeune plant de profiter des pluies et lui donne le temps de bien s’enraciner avant l’été suivant. Mais pour une plante peu rustique, il est préférable de la planter au printemps,
Avant de planter, retourner le sol en profondeur pour l’ameublir, ainsi les racines pourront descendre et trouver de l’eau. Si la terre est argileuse, compacte, on peut placer en profondeur une couche de pierres et graviers à couvrir d’un feutre de jardin (géotextile).
Démêler le chignon de racines, placer le jeune plant au centre d’une cuvette qui recueillera l’eau de pluie ou d’arrosage. Tremper le sol en profondeur, un ‘pipi’ de surface ne sert à rien.
Si les pluies ne suffisent pas, arroser régulièrement les premières semaines, puis espacer quand le plant donne des signes de reprise. Le premier été, arroser le jeune plant au moins une fois par semaine. Biner autour de lui pour casser la croûte et faciliter l’infiltration de l’eau.
Une fois établi, après un ou deux ans, les arrosages peuvent cesser ou s’espacer. Avant d’arroser, attendre 2 semaines après la dernière pluie abondante qui a bien mouillé le sol.
Pour les plants adultes, les arrosages doivent être rares mais abondants: il s’agit de tremper le sol en profondeur pour inciter les racines à « descendre ». Laisser sécher la terre entre deux arrosages.
Attention au sur-arrosage, erreur classique. Mieux vaut « pas assez d’eau » que « trop ». Le « pas assez » est rattrapable, le « trop » tue. L’excès d’eau dégrade l’aspect et la longévité des plantes chameaux. Un sol chaud et humide fait pourrir les racines. Proscrire le goutte à goutte ! Les plantes chameaux n’ont pas besoin d’engrais !
Rusticité
Les plantes sobres en eau sont souvent peu ou moyennement rustiques. Leur résistance au froid dépend des conditions : exposition, vent, humidité du sol et surtout durée du gel, ponctuel ou prolongé. C’est pourquoi, on la définit par une fourchette de températures, comme de – 9° à – 12°.
Par exemple, la lavande papillon ne supporte pas des gelées au-delà de – 5° à – 7° et ni l’excès d’humidité dans le sol.
Une courte gelée peut provoquer des dégâts superficiels, comme le gel des bourgeons ou du bout des tiges. Une longue et forte gelée peut tuer la souche. Dans une région aux hivers froids, planter les frileuses dans un lieu bien exposé, abrité du vent, et les emmitoufler.
Culture en pot
Un pot en plastique est léger, solide, bon marché, résistant au gel, mais étanche à l’air et à l’eau, et chaud au moindre rayon de soleil. Au contraire, un pot en terre cuite, non vernissé et à fond percé, « respire », laisse passer l’oxygène et évacue l’humidité, mais il est cassant et gélif. Faites votre choix !
Dans le fond du pot, aménager une couche de drainage (billes d’argile expansée, gravier, …), couverte de géotextile. Au-dessus, mettre un mélange de terreau associé à une terre légère. En hiver, pas de soucoupe sous le pot qui garderait l’eau et ferait pourrir les racines.
Steppe fleurie
On appelle steppe fleurie ou jardin sur gravier une couverture végétale où les plants sont dispersés ici et là, ce qui les isole et met en valeur leurs qualités ornementales.
Les plants sont séparés par des zones de graviers de la région, de couleur claire mais surtout pas blanche car aveuglante en été, en une couche d’au moins 5 cm d’épaisseur.
Choisir des plantes remarquables par leur port (en coussin, en boule, érigé) ou leur feuillage.
La steppe fleurie est à mettre en place autour de la maison, pour l’enjoliver. Son entretien se limite à quelques tailles et désherbages dans les graviers.
Bilan
Un jardin sobre en eau réduit les corvées d’arrosage, de désherbage et de taille, mais sa mise en place initiale peut demander des travaux, notamment si le sol est mal drainé.
Il n’est pas réservé au sud de la France. On peut en réaliser un plus au nord, avec quelques précautions : un site bien exposé au soleil, bien abrité du vent, en pente ou bien drainé, avec des plantes rustiques, dans une région pas trop pluvieuse.
Lors de la plantation, le plus difficile est de prévoir comment le jardin va évoluer, d’imaginer le paysage végétal qu’il deviendra après 4 ou 5 ans. Il faut beaucoup d’expérience pour savoir combiner les ports, varier les feuillages, jouer avec les périodes et couleurs des floraisons. Attention aux distances de plantation, sous peine d’avoir à déplacer un plant après 2 ans parce qu’il empiète sur les autres ! Pour y voir plus clair, commencer par installer les plantes les plus grandes, les plus structurantes, les plus encombrantes.