Jardin sobre en eau

Jardin sobre en eau (crédit Olivier Filippi)

Le réchauffement climatique et la crise de l’eau remettent en cause le modèle traditionnel du jardin ornemental, invitant à une nouvelle approche : le jardin sobre en eau ou jardin méditerranéen. On ne parlera pas de ‘jardin sec’ pour se garder la possibilité d’arroser en certaines circonstances, notamment les jeunes plants faiblement enracinés.

1) Plantes chameaux

Exemple : lavandes, germandrées, phlomis, céanothes et sauges de Californie, berbéris du Chili et d’Argentine, …

Ces plantes supportent une chaleur torride et un ensoleillement intense avec des apports d’eau nuls ou occasionnels., grâce à un enracinement profond. Une fois établies, après un ou deux ans, les arrosages peuvent cesser ou s’espacer. Si on juge utile d’arroser, attendre environ 3 semaines après la dernière pluie abondante qui a bien mouillé le sol.

Elles viennent des zones arides de la planète : rives de la Méditerranée et de la Mer Noire, Asie Centrale, sud-ouest des Etats-Unis (Californie et états voisins), Mexique, Chili … La plupart ont échappé aux modes horticoles et ont gardé un look sauvage et authentique.

2) Feuillages et floraisons

Une pelouse n’a pas sa place dans un jardin méditerranéen, trop gourmande en eau.

Le feuillage des plantes chameaux présente diverses adaptations : épais, coriace, vernissé, velu, collant (ciste ladanifère) … Il garde un bel aspect en été, avec de faibles apports d’eau.

Si on privilégie les feuillages persistants, le jardin reste beau en hiver et fournit un abri 12 mois sur 12 à la petite faune.

Les plantes sobres en eau fleurissent pour la plupart au printemps, pour profiter avant la canicule des réserves d’eau dans le sol. Dès juillet, les floraisons sont rares et c’est la variété des feuillages (forme, texture, couleur) et des ports (tapissants, en boule, érigé, …) qui assure l’aspect décoratif.

Mais certaines plantes ont l’audace de fleurir en été, parfois jusqu’aux gelées. En contrepartie, il faut parfois les arroser pour garantir une belle floraison et la sécrétion de nectar. On trouve des floraisons estivales chez quelques asters (Aster linosyris, Aster sedifolius), caryopteris, cératostigmas et plumbagos, coréopsis, délospermas, Eryngium amethystinum, Origanum laevigatum, pérovskias, ratibidas, Satureja montana, scabieuses, Teucrium marum, verveines, …

3) Un sol bien drainé

Les plantes chameaux ne supportent pas l’humidité stagnante. Un sol bien drainé est indispensable. Dans l’idéal, il est minéral, pauvre, à base de sables, graviers et limon. Laisser sécher la terre entre deux arrosages. Un sol argileux, lourd, est à amender, surtout dans une région où les hivers sont très pluvieux.

Dans le milieu naturel, on remarque que les plantes chameaux poussent souvent sur des sols pentus, car l’eau y est vite évacuée par ruissellement de surface. Quand le jardin présente du relief, exploiter les talus qui facilitent le drainage.

Sur terrain plat, créer un relief en creusant des allées et en formant des buttes. Construire des lits de jardin surélevés à l’aide de voliges en bois ou de roches. Sous les allées, placer des tuyaux de drainage, utiles en hiver. Amender une terre lourde en lui ajoutant un volume presque égal de sable grossier (éviter un sable fin).

La contrepartie d’un sol bien drainé est qu’il se dessèche vite, donc il est impératif de le pailler en surface pour le protéger des rayons ardents du soleil. Il existe deux types de paillage, minéral (plutôt près de la maison, pour un jardin sur gravier) ou végétal.

Le paillage végétal a pour avantage de se décomposer lentement et d’enrichir le sol en matière organique, ce qui facilite le développement des racines et active la microfaune du sol. On peut recycler les tailles du jardin en un compost qui sera la base du paillis.

4) Mise en place d’un jeune plant

Sauf dans le cas d’une plante à faible rusticité, à planter au printemps, il est préférable de planter à l’automne, ce qui donne au jeune plant le temps de bien s’enraciner avant l’été suivant.

Retourner le sol en profondeur pour l’ameublir, ainsi les racines pourront descendre et trouver de l’eau. Si la terre est argileuse, compacte, on peut placer en profondeur une première couche de pierres et graviers à couvrir d’un feutre de jardin (géotextile).

Démêler le chignon de racines, placer le plant au centre d’une cuvette de terre qui recueillera l’eau de pluie ou d’arrosage. Pour inciter les racines à « descendre », tremper le sol en profondeur à la plantation. Vider un grand arrosoir, un ‘pipi’ de surface ne sert à rien.

Si les pluies ne suffisent pas, arroser régulièrement les premières semaines, toujours en abondance, puis espacer quand le plant donne des signes de reprise. Le premier été, arroser le jeune plant au moins une fois tous les 10 jours. Biner autour de lui pour casser la croûte et faciliter l’infiltration de l’eau.

Les étés suivants, attention au sur-arrosage, erreur classique. Mieux vaut « pas assez d’eau » que « trop ». Le « pas assez » est rattrapable, le « trop » tue. Proscrire le goutte à goutte ! Un sol chaud et humide peut faire pourrir les racines. L’excès d’eau dégrade l’aspect et la longévité des plantes chameaux.

5) Rusticité

Les plantes sobres en eau sont souvent peu ou moyennement rustiques. Leur résistance au froid dépend des conditions : exposition, vent, humidité du sol et surtout durée du gel, ponctuel ou prolongé. C’est pourquoi, on la définit par une fourchette de températures, comme de – 9° à – 12°.

Par exemple, la lavande papillon ne supporte pas des gelées au-delà de – 5° à – 7° et ni l’excès d’humidité dans le sol.

Une courte gelée peut provoquer des dégâts superficiels, comme le gel des bourgeons ou du bout des tiges. Une longue et forte gelée peut entraîner la mort de la souche.

Dans une région aux hivers froids, planter les frileuses dans un lieu bien exposé au soleil d’hiver et abrité du vent, emmitoufler les plus sensibles.

6) Culture en pot

Un pot en plastique est léger, solide, bon marché, résistant au gel, mais étanche à l’air et à l’eau, chaud au moindre rayon de soleil. Au contraire, un pot en terre cuite, non vernissé et à fond percé, « respire », laisse passer l’oxygène et évacue l’humidité, mais il est cassant et gélif. Faites votre choix !

Dans le fond du pot, aménager une couche de draînage (billes d’argile expansée, gravier, …), couverte de géotextile. Au-dessus, mettre un terreau associé à une bonne terre légère. Pour les bruyères, utiliser un terreau spécial. Laisser sécher le substrat entre deux arrosages. En hiver, pas de soucoupe sous le pot qui garderait l’eau et ferait pourrir les racines.

7) Couvre-sols

Les couvre-sols denses et persistants habillent le sol et limitent les corvées de désherbage. Même si le sol est médiocre, ils permettent de vite garnir de grandes surfaces, comme une zone de remblais après un chantier ou un talus difficile d’accès. Leur taille se limite souvent à un petit remodelage annuel. Ce sont les premiers alliés du jardinier fainéant.

Bilan

Un jardin sobre en eau réduit les corvées d’arrosage, de désherbage et de taille. Sa mise en place initiale peut demander du terrassement, si le sol est mal drainé et la région pluvieuse, mais, par la suite, peu d’entretien.

Il n’est pas réservé au sud de la France ! On peut en réaliser un au nord, avec quelques précautions : il doit être bien exposé au soleil, bien abrité du vent, en pente ou bien drainé. Il faut anticiper sur les pertes dues à un hiver glacial ou trempé, en péparant à l’avance des boutures des plantes les plus fragiles.

Lors de la plantation, le plus difficile dans sa conception est de prévoir comment il va évoluer, d’imaginer le paysage végétal qu’il deviendra après 4 ou 5 ans. Il faut beaucoup d’expérience pour savoir planter avec les bonnes distances, combiner les ports, varier les feuillages, jouer avec les périodes et couleurs des floraisons. Pour y voir plus clair, commencer par installer les plantes les plus grandes, les plus structurantes.