Pollinisation 2

Corbeille à pollen d’une abeille à miel

Pour la fleur, la pollinisation par les insectes est risquée tant ils sont habiles, débrouillards, capables d’apprendre et de trouver de nouveaux comportements, et donc d’abuser ! Voici deux exemples :

1) Mi-pollinisateur, mi-parasite

Dans le couple fleur-abeille, la fleur profite de l’abeille qui la pollinise et lui permet de produire des graines, et réciproquement l’abeille profite du nectar et du pollen de la fleur pour alimenter ses larves. Autrement dit, chacun profite de l’autre pour se reproduire. C’est un exemple de mutualisme. On pourrait croire que leur relation est au beau fixe.

Une étude sur les campanules (Schlindwein 2005, voir Références) a montré qu’une très forte fraction du pollen d’une fleur (environ 95 % chez Campanula rapunculus) est collectée par les abeilles pour nourrir leurs larves. Les grains tombés ou pris dans les poils des abeilles constituent tout ce dont les campanules disposent pour leur précaire pollinisation.

Ainsi la gourmandise des abeilles présente un risque pour la fleur, car le pollen est sa précieuse semence mâle, produite en un nombre limité de grains. En collectant trop de pollen, l’abeille passe de bienfaitrice à parasite. La fleur est confrontée à un dilemme : soit elle offre trop facilement son pollen, et dans ce cas, elle en est dépouillée. Soit elle le protège trop bien, et dans ce cas, elle n’est ni visitée, ni pollinisée.

C’est pourquoi la fleur a recours à différentes stratégies pour que le pollen accomplisse au mieux sa mission, la pollinisation.

Bien sûr, elle peut multiplier le nombre d’étamines, et produire une grosse quantité de pollen, c’est ce que font les Rosacées et Renonculacées, mais c’est une stratégie coûteuse.

Un procédé efficace consiste à réserver le pollen à ses meilleurs pollinisateurs, et à évincer les autres. C’est ce que font les fleurs munies d’anthères poricides, qui ne libèrent le pollen que par des trous minuscules, les pores. Seules des abeilles très efficaces, comme les bourdons ou anthophores, sont capables de l’extraire par vibrations (voir le Bourdon, page Abeilles sociales).

Un exemple de gestion optimisée du pollen sera donné par la fleur bilabiée, voir le chapitre suivant.

Parfois, la fleur a pris un virage radical : rompre avec les abeilles, se faire polliniser par des papillons ou des oiseaux, qui ne consomment pas le pollen et ne s’intéressent qu’au nectar. Cette conversion lente implique de profondes transformations de la fleur, voir la page Profils de fleurs. Mais quand un intermédiaire est trop gourmand, on passe à la concurrence !

2) Le vol de nectar

Tout butineur qui visite une fleur ne la pollinise pas forcément. Certains trichent !

Image 1. Butinage par la voie légitime. La corolle de la sauge des prés présente un tube trop étroit pour qu’une abeille puisse y pénétrer, et au fond duquel le nectar est secrété. Si la langue de l’abeille est suffisamment longue, elle peut atteindre et sucer le nectar par l’intérieur du tube. En se posant sur la fleur, l’abeille touche les étamines ou le style , donc elle pollinise.

Images 2, 3, 4. Vol de nectar. Si sa langue est trop courte, une forte abeille (bourdon, xylocope) peut inciser la base du tube par l’extérieur , et sucer directement le nectar. Loin des étamines et du style, elle ne pollinise peu ou pas. L’incision se voit à l’œil nu, longue de quelques mm. Une fois la voie ouverte, d’autres abeilles moins fortes et à courte langue en profitent.

Le vol de nectar est une forme de parasitisme. On le reconnait du premier coup d’oeil car l’abeille chevauche la corolle avec la tête près du calice. Une même abeille peut passer de butineuse légitime à voleuse, suivant la forme de la fleur.

Un papillon avec sa longue trompe ou un colibri avec sa longue langue butinent toujours par la voie légitime.

3) Les mots justes

On appelle souvent « pollinisateurs » les insectes ou oiseaux qui visitent une fleur. Mais, parmi eux, se trouvent des voleurs de nectar, qui pollinisent peu ou pas, donc le terme de butineur (celui qui amasse un butin ! ) est plus général.

De même, on dit souvent qu’une fleur est « mellifère » si elle produit du nectar et du pollen. Mais le vrai sens du mot ‘mellifère’ se devine facilement : en latin mellis = miel et ferre = porter ou apporter. Ainsi, en réalité, une fleur est mellifère si elle aide les abeilles à miel à en produire dans leurs ruches. Comme les butineurs ne font pas de miel (excepté Apis mellifera), ce mot est rarement bien employé.

Comme il est trop connoté ruches et apiculture, on parlera plutôt de plante attractive aux butineurs, de plante qui soutient la biodiversité, de plante amie des abeilles ou des papillons. Les anglais disent bee-friendly plant.