Famille des Lamiacées, genre Salvia
Les sauges sont des plantes de la famille des menthes, les Lamiacées. Il en existe environ 1024 espèces, natives de 5 foyers : Amériques centrale et du Sud (510 espèces), Californie (20 espèces), Rives de la Méditerranée et de la Mer Noire (250), Afrique du Sud (30), Chine et Japon (90). Elles sont très populaires en France, où plus de 300 références sont en vente, utilisées comme plantes ornementales, aromatiques, culinaires ou médicinales.
Ce sont des arbrisseaux ou des herbacées dont la plupart sont vivaces. On retrouve chez les sauges des caractéristiques des Lamiacées : des tiges à section carrée, des feuilles simples, par paires opposées et décussées (décalées d’un quart de tour d’un nœud au suivant), formant une croix quand on les voit par au-dessus..
1) La fleur de sauge
La longue floraison des sauges et leur richesse en nectar les rendent indispensables dans un jardin.
Quand on retire le calice d’une fleur, on voit qu’elle est bilabiée, formée d’une partie tubulaire suivie de deux lèvres, la supérieure à 2 lobes, l’inférieure à 3 lobes. Le tube est rétréci au niveau de la gorge, ce qui empêche les insectes d’y entrer.
L’ovaire est situé au fond de la corolle, prolongé par un long style qui se termine par un stigmate fourchu saillant (image 1). Le nectar abondant est secrété à la base de l’ovaire.
La fleur de sauge n’a que 2 étamines, alors que les autres Lamiacées en ont souvent 4. Elles sont logées dans un pli de la lèvre supérieure, avec le style. Les anthères, situées à l’extrémité de la lèvre supérieure, sont dans une position telle que les abeilles peuvent difficilement y collecter le pollen.
L’entrée du tube est généralement barrée par deux palettes ou leviers (images 1 et 2, galerie suivante).
Chez les sauges, on trouve plusieurs types de pollinisation, principalement par les abeilles ou les colibris. La profondeur du tube est déterminante :
Chez une fleur à abeilles (images 1 et 2), la corolle est plus ou moins parfumée, bleue, mauve, blanche, … mais pas rouge. Elle est peu profonde, le tube fait moins de 12 mm de long environ, en relation avec la longueur de la langue d’une abeille.
La lèvre inférieure est bien développée. Grande et étalée, elle sert de plate-forme aux abeilles. Elle est souvent taguée de guides à nectar.
En Amérique, une partie des sauges ont évolué vers une pollinisation par les colibris (images 3 et 4). La corolle est typiquement rouge vif, sans odeur, tubulaire de faible diamètre. Elle est profonde, le tube fait plus de 15 mm de long. La lèvre inférieure est réduite ou pendante pour empêcher un insecte de s’y poser. Dans nos jardins, les fleurs à colibris – des exotiques – sont peu visitées, sauf par des sphinx-colibris ou des voleurs de nectar (bourdons, xylocopes).
Il existe aussi des fleurs intermédiaires, par exemple celle de Salvia guaranitica (image 4) : elle présente un tube très long, étroit et sa corolle est bleue. Une fleur à colibris qui revient à son état ancestral de fleur à abeilles ?
Hormis les sphinx, les sauges sont rarement butinées par les papillons, qui n’y trouvent pas une base stable où se poser.
2) Le mécanisme du levier
En général, les étamines d’une fleur sont fixes, immobiles. Mais chez une partie des sauges, elles sont mobiles et se déplacent sous l’action de deux leviers, qui barrent l’entrée du tube (images 1 et 2).
Une expérience : introduire une pointe de stylo entre les leviers et les pousser doucement : les deux anthères situées à l’extrémité de la lèvre supérieure basculent vers le bas. Quand on retire la pointe, elles se relèvent et retrouvent leur position initiale. C’est le mécanisme du levier, une innovation unique dans le règne végétal, permise par une profonde transformation des étamines.
Fonctionnement. Image 3. Au-dessus de l’abeille, on voit pendre les deux anthères noires plaquées contre son dos, et, plus loin, le style fourchu. En appui sur la lèvre inférieure, elle s’engage pour sucer le nectar secrété au fond du tube. Pour cela, elle pousse avec sa tête sur les deux leviers : les anthères basculent et saupoudrent son dos de pollen, sans qu’elle s’en aperçoive. Quand elle recule pour quitter la fleur, les anthères remontent en position initiale, prêtes pour la suivante : le système se réarme.
4) La classification de Bentham
Prés de 900 espèces de sauges, dispersées sur la planète, et très diversifiées, forment un monde foisonnant. La classification, publiée en 1832 – 1836 par l’anglais George Bentham, permet de s’y retrouver. Il a découpé le genre Salvia en sous-genres et sections, en se basant sur la morphologie des étamines (en relation avec le mécanisme du levier). Deux siècles plus tard, elle reste valable malgré l’essor de la génétique et la découverte permanente de nouvelles espèces. À son époque, G. Bentham n’en connaissait que 290.
Bentham a fait plusieurs voyages dans le Sud-ouest de la France. En 1826, lors d’un séjour à Prades-le-Lez (Hérault), il publie le Catalogue des plantes indigènes des Pyrénées et du Bas Languedoc. En 1839, en vallée d’Ossau, il rencontre Pierrine Gaston-Sacaze, un berger féru de botanique, qui avait découvert un grémil des Pyrénées. Bentham lui dédia cette plante en la nommant Lithospermum gastonii.